L’apparition du Balaïtous

Ce matin, Tonin a poussé la porte de la vieille étable. Odeur de foin chaud, de laine, de vie. Les brebis se sont regroupées près du râtelier. Grisou l’âne s’est approché pour recevoir sa première caresse. Bilou le chat, perché sur la poutre, a fait le dos rond en miaulant.

Le berger a saisi une fourche et s’en est allé vers le fenil. Et c’est alors qu’il l’a vu. Là, au milieu des brindilles éparses, reposait un bât. Pas un de ces bâts tricotés avec deux planches et trois bouts de ficelle, non, un bât qui arrivait d’un autre monde.

Tonin a tendu la main vers l’apparition. Le bois de frêne en était doux comme une caresse, le cuir avait la tendresse de la soie et la blondeur du miel. Et puis, chose impossible, en place de deux patins raides et rugueux se trouvaient huit patinets mobiles et souples.

Ce matin-là Tonin devait monter vers les pâtures de la Claou par le cami de Doumblas pour réparer les clôtures et préparer l’estive du troupeau. Alors il a posé le bât nouveau-né sur le dos de Grisou et chargé ses outils.

Le premier soleil inondait la vallée. La lauze du toit scintillait. Dans les ramures du vieux hêtre, un rossignol chantait le premier matin du monde.

Le berger a saisi son bâton de marche et s’est engagé dans la ruelle du hameau. Grisou suivait à quelques pas.

Sur les balcons de bois, les anciens ont regardé passer l’Histoire. Le temps s’est arrêté.

Ce matin, dans une vallée des Pyrénées blottie au pied du Balaïtous, un bât nouveau nous est donné.

Quelquefois, les nuits où la lune est pleine, il se passe dans les montagnes de Pyrène de bien étranges choses…